Entre là, installation et performance pour la Nuit blanche 2012 à Metz.
(3600 mètres de fils de fer barlelés thermolaqués en rose, crinoline en fer forgé, 300 verres à
liqueur, plateau tournant motorisé.)
Dans le hall et escaliers d’honneur de la gare de Metz.
Projet présenté par la Galerie Modulab.
Avec les danseurs Julie Barthélémy et Romain Ravenel.
Performance de 18h à 2h.
L’aspect monumental des escaliers d’honneur, imposants et démesurés proportionnellement
à la salle du hall, m’a conduite à imaginer une entrée qui n’en finirait pas d’accueillir,
d’honorer, de saluer, de réceptionner : « Entre là ! ».
En reprenant le principe de l’entrelacs (formes récurrentes dans les motifs décoratifs des
voûtes de cette salle dont l’architecture s’inspire à la fois de l’art roman, carolingien et du
Modern style) je souhaitais déployer une sorte de « haie d’honneur », depuis l’entrée de cette
salle d’accueil jusqu’au haut de l’escalier. Des fils barbelés roses
sont organisés comme une
structure de dentelle, comme un dessin coloré se déployant dans l’espace. Ainsi les entrelacs
graphiques et géométriques des motifs du plafond se trouvent comme défaits, désorganisés,
rendus sauvages.
La présence des fils barbelés est ambivalente : tout en évoquant la guerre (on aperçoit les
fils barbelés seulement si on regarde de prés) ainsi que l’ancienne fonction militaire de la
gare, elle introduit de par sa couleur rose, une dimension charnelle et organique dans ce lieu
d’ordinaire secret pour le public. L’aspect de palais impérial, tel que l’avait conçu Guillaume
II, se trouve amplifié voire outré par cette installation, jusqu’à le faire apparaître comme un
palais de conte de fée…
L’entrelacs de barbelés roses constitue le prolongement de l’escalier, accentue l’ouverture
de l’espace et renforce l’idée de passage et donc de mouvement (« Mobilis in mobile »):
le vestibule conduit au hall d’entrée qui conduit à l’escalier qui lui-même conduit au salon
d’honneur et de réception. Et pour arriver à cette salle de réception il faut se frayer un passage
à travers cette haie rose. Et cela fait 100 ans que la Belle aux bois dormant passe des nuits
blanches à attendre son prince charmant à l’étage.
Au centre du carré constitué des quatre piliers, un lustre en forme de crinoline tourne,
tel une ritournelle. Tandis que ces courbes rappellent celles des arcades ainsi que la forme
peinte au dessus de l’escalier (lorsqu’on le redescend), cette crinoline reprend également en
l’agrandissant la structure du majestueux lustre qui pend au plafond de la salle.
A l’intérieur de ce lustre à l’envers, deux danseurs s’entrelacent très lentement, presque
figés comme les Lionnes de Mycènes représentées au-dessus de l’escalier, et se meuvent de
manière répétitive. Ce lustre de pacotille est constitué d’une structure métallique sur laquelle
sont accrochées des flûtes à champagnes en verre pendant comme des perles et rappelant un
festin (peut-être l’un de ceux ayant eu lieu autrefois dans la salle de réception à l’étage ?).
Ce lustre dérisoire en forme de jupe, scintillant et cliquetant, est posé sur un plateau motorisé
tournant lentement dans le sens des aiguilles d’une montre, tandis que les danseurs, proches
de mannequins d’apparat, se meuvent et tournent à rebours. Ils déroulent ainsi le temps d’une
nuit qui dans cette ritournelle n’a ni début ni fin, une nuit blanche et rose infinie.
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